Tidjane Thiam : l'État ivoirien recule sur la question de sa nationalité

Mardi 29 Avril 2025

Le ministère de la Justice affirme que Tidjane Thiam "n'a jamais été apatride" et retrouve "automatiquement" sa nationalité ivoirienne après sa renonciation à la citoyenneté française, contredisant les décisions judiciaires antérieures.


Tidjane Thiam : l'État ivoirien recule sur la question de sa nationalité © Crédit photo DR
Tidjane Thiam n'est pas apatride selon les nouvelles déclarations des autorités ivoiriennes. Le lundi 28 avril 2025, Augustin Kouamé Yao, magistrat hors hiérarchie et directeur des Affaires civiles et pénales au ministère de la Justice, a affirmé publiquement que le président du PDCI-RDA possède bel et bien la nationalité ivoirienne.

Cette intervention survient dans un contexte politique tendu et quelques jours après le départ du président ivoirien pour Paris le 26 avril. Une visite privée qui semble avoir déjà des conséquences sur ce dossier sensible qui agite les milieux politiques et juridiques du pays depuis plusieurs semaines.

Un revirement officiel

"M. Tidjane Thiam n'a jamais été apatride et n'est pas apatride parce qu'il est indiscutablement Ivoirien par affiliation," a déclaré Augustin Kouamé Yao. Ce positionnement marque un changement notable dans la stratégie de l'État, qui avait jusque-là multiplié les obstacles juridiques contre l'ancien banquier.

Le magistrat a précisé que "par sa libération de son allégeance à un pays étranger, M. Thiam, qui était Ivoirien par sa naissance par le droit du sang, retrouve automatiquement la nationalité ivoirienne qu'il avait volontairement mise en hibernation, en dormance." Une interprétation qui contraste avec les décisions judiciaires précédentes.

Cette nouvelle position contredit directement la décision du tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau qui, le 10 avril 2025, avait ordonné la suspension de la délivrance du certificat de nationalité ivoirienne à Thiam. Le motif invoqué alors était que sa nationalité "est contestée devant le tribunal".

Le 19 mars 2025, Tidjane Thiam avait renoncé à sa nationalité française, se retrouvant dans une situation juridique incertaine en attendant une décision définitive sur sa nationalité ivoirienne. Pourtant, comme le rappelle l'affaire, Thiam dispose d'un passeport ivoirien depuis 2022 et était régulièrement inscrit sur les listes électorales.

Un dossier hautement politique

L'affaire Thiam révèle les tensions autour des ambitions présidentielles du président du PDCI-RDA. C'est précisément lorsque ses intentions politiques se sont précisées que son statut juridique a été remis en question, conduisant notamment à sa radiation des listes électorales de 2024.

Les autorités avaient alors invoqué l'alinéa 1 de l'article 48 du Code de la nationalité ivoirienne, selon lequel Thiam aurait perdu automatiquement sa nationalité ivoirienne lors de sa naturalisation française en mars 1987. Selon le directeur des Affaires civiles, "il n'est pas besoin d'un décret parce que la perte est automatique."

Cette interprétation n'est pas unanime, même au sein du parti au pouvoir. Le ministre-gouverneur Cissé Ibrahim Bacongo, secrétaire exécutif du RHDP, défend une position différente dans son livre "Et si c'était à refaire... Chroniques d'un parcours".

"Le Code de la nationalité ivoirienne organise la preuve de la renonciation. Celle-ci est constituée par un décret gouvernemental, quel que soit le cas de renonciation invoqué", écrit-il à la page 309 de son ouvrage. Une divergence d'interprétation qui souligne la complexité juridique et la dimension politique de ce dossier devenu un véritable casse-tête pour les autorités ivoiriennes.

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