Gbagbo: "La CEI n'est plus une institution indépendante"

Vendredi 11 Avril 2025

Laurent Gbagbo a retiré ce 11 avril 2025 son parti le PPA-CI de la Commission Électorale Indépendante (CEI) qu'il accuse d'être devenue "l'instrument docile du pouvoir".


Gbagbo: "La CEI n'est plus une institution indépendante" © Crédit photo DR
"Cette CEI ne rassure plus. Elle est discréditée. Elle est disqualifiée." Ces mots de Laurent Gbagbo résument sa décision de retirer le Parti des Peuples Africains-Côte d'Ivoire (PPA-CI) de la Commission Électorale Indépendante. Dans un communiqué daté du 11 avril 2025, l'ancien président ivoirien dénonce ce qu'il considère comme une instrumentalisation de l'organe électoral à six mois de la présidentielle.

Le document, signé personnellement par le fondateur du PPA-CI, établit un constat sans appel sur le fonctionnement actuel de l'institution. "Depuis plusieurs mois, j'observe avec gravité le fonctionnement de la Commission Électorale Indépendante (CEI). J'observe, je réfléchis, j'analyse. Mais aujourd'hui, je me dois de décider", écrit-il en préambule, avant d'annoncer la suspension immédiate de la participation de son parti.

Une CEI "instrument docile du pouvoir"

Les accusations portées par Laurent Gbagbo contre l'organe électoral sont directes et sans détour. "La CEI n'est plus ce qu'elle prétend être. Elle n'est plus une institution indépendante. Elle est devenue l'instrument docile d'un pouvoir qui refuse l'alternance, qui refuse la transparence, qui refuse l'inclusion", affirme-t-il.

Le communiqué détaille ensuite les manquements reprochés à l'institution. "La CEI, aujourd'hui, viole ses propres textes pour satisfaire les intérêts du pouvoir. Elle tente d'écarter des leaders de l'opposition de la course présidentielle. Elle refuse d'auditer une liste électorale gangrenée par des irrégularités massives", peut-on lire dans le document.

L'ancien chef d'État accuse également la Commission de ne tenir "aucun compte des réclamations légitimes de l'opposition" et de tenter "d'imposer de nouvelles règles contraires au code électoral pour verrouiller davantage le contentieux". Des critiques qui touchent aux fondements mêmes de la légitimité de l'institution chargée d'organiser la présidentielle d'octobre 2025.

Le parallèle avec la crise de 2011

La référence à la crise post-électorale de 2011 est explicite dans le communiqué. "En 2011, la Côte d'Ivoire a connu le pire. Et cela à cause d'une CEI partiale, soumise, instrumentalisée par l'opposition d'alors, aujourd'hui au pouvoir", écrit Laurent Gbagbo, établissant un parallèle direct avec la situation actuelle, mais en inversant les rôles.

Cette évocation n'est pas anodine, comme le souligne la conclusion du communiqué: "Cela est nécessaire, car nous ne voulons plus d'un autre 11 avril". Une allusion claire à la date de son arrestation en 2011, point culminant de la crise post-électorale qui avait fait plus de 3 000 morts après l'élection contestée de 2010.

Sur le plan pratique, Laurent Gbagbo demande "solennellement, à notre représentant au sein de la CEI de suspendre immédiatement toute activité dans cette institution, jusqu'à nouvel ordre". Cette décision marque une rupture dans le processus électoral en cours.

Dans un second document publié simultanément, l'ancien président formule un appel plus large au dialogue politique. "Tout le monde voit la crise monter. Tout le monde sent la tension. Tout le monde, sauf ceux qui dirigent aujourd'hui, aveuglés par leur volonté de conserver le pouvoir, même au prix de la destruction du pays", constate-t-il.

Face à cette situation, il propose "l'ouverture d'un dialogue politique sincère entre les principaux partis de l'opposition, la société civile et le pouvoir, pour remettre la Côte d'Ivoire sur le chemin d'élections crédibles, inclusives et apaisées". Un appel qui s'accompagne d'une conclusion lapidaire: "Il est encore temps de sauver la Côte d'Ivoire."

Cette décision du PPA-CI intervient alors que plusieurs formations de l'opposition ont déjà exprimé des réserves sur les conditions d'organisation du scrutin présidentiel prévu pour octobre 2025. Si le parti de Laurent Gbagbo est le premier à franchir le pas d'un retrait formel de la CEI, cette position pourrait inciter d'autres formations politiques à suivre le même chemin, compliquant davantage la préparation d'un scrutin que toutes les parties affirment vouloir pacifique.
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