Excision en Côte d'Ivoire, un trafic de clitoris déguisé

Lundi 9 Septembre 2024

Le trafic de clitoris en Côte d'Ivoire génère des revenus importants. Une enquête dévoile l'existence d'un commerce clandestin lié à des pratiques occultes dans plusieurs régions du pays.


Trafic de clitoris en Côte d'Ivoire © Crédit photo DR
Le trafic de clitoris en Côte d'Ivoire alimente un marché noir aux prix élevés, selon une enquête menée par l'AFP. Ce commerce clandestin, associé à des croyances mystiques, se déroule dans plusieurs régions du pays, en particulier autour de Touba, dans le nord-ouest.

Le prix d'un clitoris sur le marché clandestin peut atteindre 100.000 francs CFA (152 euros) pour une fille vierge, et 65.000 francs CFA (99 euros) pour une femme ayant déjà eu des enfants. Ces montants dépassent le salaire minimum ivoirien de 75.000 francs CFA (114 euros).

Labe Gneble, directeur de l'Organisation nationale pour l'enfant, la femme et la famille (Onef), explique que cet organe est recherché pour ses prétendus pouvoirs magiques.

Moussa Diallo, ancien féticheur, décrit le processus de fabrication de la poudre de clitoris. Les exciseuses font sécher l'organe pendant un à deux mois, puis le pilent avec des cailloux. Le résultat est une poudre noire parfois mélangée à d'autres ingrédients.

Un commerce répandu dans le pays

Des chercheurs et travailleurs sociaux confirment l'existence de ce trafic dans différentes régions de Côte d'Ivoire. Le socio-anthropologue Dieudonné Kouadio a observé une boîte contenant de la poudre de clitoris lors de travaux menés à Odienné.

Dans le district du Denguélé, des agriculteurs achètent des clitoris pour mélanger la poudre avec leurs semences. Dans le centre-ouest, certaines femmes utilisent cette poudre comme aphrodisiaque.

Ce commerce est considéré comme un obstacle à l'éradication de l'excision en Côte d'Ivoire. Malgré l'interdiction de cette pratique depuis 1998, une Ivoirienne sur cinq affirme encore avoir subi des mutilations génitales, avec des taux dépassant 50% dans certaines régions du nord.

Un crime difficile à poursuivre

Le commerce du gland du clitoris est considéré comme un "trafic d'organes" et un "recel" punissable par la loi ivoirienne. Cependant, la préfecture de police d'Odienné indique n'avoir jamais poursuivi personne pour un tel trafic.

Le lieutenant N'Guessan Yosso explique que "les gens ne donnent pas d'informations sur les choses sacrées", ce qui complique les enquêtes sur ce commerce illégal.

L'anthropologue canadien Boris Koenig, spécialiste des pratiques occultes en Côte d'Ivoire, souligne que "le mystique a une dimension centrale dans la vie quotidienne" du pays. Cette réalité culturelle contribue à la persistance du trafic de clitoris malgré son caractère illégal.
Ibrah Kanté
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